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lundi 4 avril 2016

Gabriel Marcel, Gaston Fessard : une correspondance spirituelle


correspondance Gabriel Marcel Gaston Fessard

La correspondance entre Gabriel Marcel, philosophe préoccupé des choses de la foi et Gaston Fessard, théologien féru de philosophie est riche à plusieurs égards. En premier lieu, parce qu’elle restitue en partie l’atmosphère intellectuelle et religieuse de la période quelle recouvre (1934-1971) et convoque nombres de personnalités qui la façonnèrent : Jean Wahl[1], Alexandre Kojève, Jean Daniélou ou Charles Du Bos. Parce qu’elle est accompagnée d’une annotation précise, riche et documenté que l’on doit pour bonne part à Henri de Lubac qui fut proche des deux hommes. Enfin parce qu’elle donne à saisir deux personnalités complexes sous un jour privé[2].

Ces cent trente huit lettres pleines de confidences définissent trente sept ans d’une amitié que l’on peut sans mal qualifier de spirituelle. Converti en 1929, Gabriel Marcel fait de son cadet Gaston Fessard, ordonné prêtre en 1928, son confident, pour ne pas dire son confesseur. C’est lui qui affermit Gabriel Marcel lorsque ce dernier vient à douter de sa foi, lui encore qui administre les derniers sacrements à Jacqueline, l’épouse bien-aimée du philosophe, lui enfin qui le conforte dans certaine décisions quant à son œuvre. Gabriel Marcel pour sa part confirme Gaston Fessard dans sa qualité de penseur – « vous êtes philosophe, c’est l’évidence même »[3] –, est souvent son premier lecteur et l’aide à se faire publier.
    
En plus de ces questions intimes, d’autres se posent ou plutôt, sont posées par une époque tourmentée : l’avant-guerre, la débâcle, l’occupation, les déportations, la ligne de démarcation, la résistance. Tout ici est vécu et éprouvé par deux grands penseurs qui jamais ne faillirent à leur rôle d’intellectuel dans le siècle.


Lettre de Gabriel Marcel à Gaston Fessard,
datée du 22 avril 1936.


Mon Père,

                Je ne puis résister à la tentation de vous dire que je viens de reprendre votre livre, et que je suis submergé par l’admiration qu’il m’inspire. Il me semble que dans la forme il a encore gagné, et ce qui est merveilleux, c’est à quel point il nous rend évidente la vérité de christianisme. La vérité, la vérité qui seule importe. Car il y a des moments où rien d’autre qu’elle ne peut compter pour nous. C’est un livre qui changerait quelque chose dans le monde si on le comprenait. Mais quand pourrai-je en écrire ? Je suis dans un assez triste état et commence un gros rhume, tandis que mon abcès se développe.
                J’ai été dimanche à la rue de la Source, j’ai communié. Cette matinée me laisse un souvenir, comment dire ? irradiant. Je vous dois cela aussi.
                Je ne puis en écrire d’avantage. Veuillez trouver dans ces quelques mots l’expression de mon affection, d’une gratitude qui ne peut se dire…

G. Marcel

Pour en savoir plus, 

il suffit de cliquer sur le livre ci-dessous:


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[1] Au sujet des relations entre ce dernier et Gabriel Marcel on se reportera au livre d’Emmanuel Levinas, Xavier Tilliette et Paul Ricœur, Jean Wahl et Gabriel Marcel, éd. Beauchesne, 1976.
[2] Si l’on sait que Gabriel Marcel et Gaston Fessard eurent de nombreux correspondants, le contenu d’aucune ou presque de ces relations épistolaires ne nous sont connues. Seule la correspondance entre Gabriel Marcel et Max Picard est, à ce jour, publiée : Gabriel Marcel et Max Picard, Correspondance,1947-1965, éd. L’Harmattan, 2006. 
[3] Première lettre de Gabriel Marcel adressée à Gaston Fessard, 21 avril 1934 in Gabriel Marcel, Gaston Fessard, Correspondance, éd. Beauchesne, 1985, p. 40.

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